Appels

Constats et organisations des Communes concernant les appels téléphoniques en situation de crise

La thématique des appels a été l’une des plus récurrentes dans les témoignages des Communes. Les services d’appel mis en place leur ont permis de conserver ou créer des liens avec les aînés, et de se rendre accessibles en cas de besoin. Ils ont aussi été un vecteur d’informations.

Qui appelle-t-on?

De façon générale, les personnes en charge de contacter les aînés se sont rendus compte qu’ils n’avaient pas nécessairement les numéros de téléphone à disposition. L’intention d’un grand nombre de Communes a été de contacter les seniors pour voir si ceux-ci se portaient bien, leur offrir un soutien moral et leur fournir des informations sur les services existants ou les alternatives mises en place pour les services en arrêt.
Certaines Communes ont eu le feu vert de leur Délégué à la Protection des Données (DPD/DPO en anglais) pour réaliser un listing de numéros de téléphone des aînés à contacter pour vérifier s’ils avaient besoin d’un soutien particulier.
Ces listes ont été constituées via diverses techniques: appeler des aînés qui participaient déjà à des activités (leurs coordonnées étant déjà listées), mettre à profit un répertoire constitué pour d’autres crises (comme le plan canicule), voire contacter des services comme le 1307, ou faire appel à d’autres services partenaires, afin d’essayer de joindre le maximum de personnes, et notamment des bénéficiaires plus isolés avec qui ils n’auraient pas de contact habituellement.

C’est ainsi que certains services « population » ont pu aider, en accord avec leur DPD, à constituer une liste des citoyens aînés, ou que des travailleurs de proximité, aide à domicile, taxi social, ou autre, ont pu aider à l’effort de contact grâce à leurs propres répertoire, les personnes ont aussi pu être contactées directement lors d’actions spécifiques comme la conception des masques.

L’information concernant le numéro de téléphone à appeler a aussi été véhiculé – en plus de moyens « toutes-boites », postaux et virtuels – via les contacts de proximité: voisinage et famille.

Ainsi, pour restaurer une proximité mise à mal par la crise, les Communes ont mobilisé de nombreux services en contact avec les seniors : bénéficiaires d’activités, de repas à domicile infirmières à domicile, référents aînés, contacts du CPAS, du PCS…
Certains CCCA ont aussi permis de garder le contact avec d’autres aînés; les membres d’un CCCA ont par exemple utilisé le bulletin communal pour publier les coordonnées des membres du bureau afin que les aînés de la région puissent les identifier et les contacter directement; cette manière de procéder ouvrait une voie alternative aux informations sur les services qui leur étaient destinés.

Toutes les Communes n’ont pas eu l’occasion de le faire; un CCCA explique ne pas avoir eu l’autorisation pour constituer cette liste d’aînés à contacter.

Cette expérience ouvre une question de débat: comment organiser, avant une situation de crise, une procédure qui permettrait en temps voulu de contacter les seniors, ou tout citoyen, pouvant bénéficier des actions mises en place par leur Commune, sans être intrusif et aller à l’encontre de leurs droits et sans nécessairement se baser sur une technologie parfois trop éloignée des personnes concernées?

Pourquoi appelle-t-on?

Il s’agissait notamment de garder vivant un lien existant, ce qui a permis aux Communes d’avoir des retours sur l’état d’esprit des personnes afin d’ajuster leurs services et leur écoute et d’orienter les appelés/appelants vers les services pouvant au mieux répondre à leurs besoins (suivi thérapeutique, Espace Public Numérique, CPAS, …).

Les objectifs des appels, qu’ils soient ouverts à tous ou ciblant les bénéficiaires déjà connus, étaient notamment de:

  • répondre aux questions de façon générale, en terme d’information, notamment concernant les craintes et les comportements à adopter dans la situation (cela vaut pour toute situation de crise, sanitaire, météorologique ou autre);
  • ouvrir un espace pour que les citoyens concernés puissent parler de leur situation, de la manière dont ils la vivent, et pouvoir les informer et/ou les orienter le cas échéant vers les services existants – qu’il s’agisse d’aide alimentaire, de courses ou de santé (médecins spécialisés, médicaments, rendez-vous);
  • la plupart des Communes parlent également d’appels (initiés ou reçus) visant à rompre la solitude – être là au bout du fil pour lutter contre l’isolement des aînés.

Qui gère les appels?

Pour gérer les appels initiés ou reçus par les Communes, des partenariats se sont créés. Qu’ils soient à l’intérieur d’un même service ou entre services différents: référent aîné, assistants sociaux et président(e)s de CPAS, personnel d’accueil du secrétariat, du service technique, échevin(e)s, PCS, cabinet de bourgmestre, animatrice de la Maison Communautaire, aide-ménagères à l’arrêt, travailleurs sociaux, éducateurs ou animateurs d’autres services ou asbl…

Par exemple, une des chauffeuses du taxi social a été mobilisée dans une Commune, parce qu’elle avait une bonne connaissance des personnes et était elle-même reconnue comme personne de confiance par de nombreux bénéficiaires.

Les Communes constatent que les personnes ayant participé à l’effort collectif, se sont senties utiles, notamment les travailleurs des services ou départements fermés lors du confinement.

Il est à noter que le métier d’appelant n’est pas une fonction évidente et constitue bien un métier en soi. La majorité des personnes ayant été appelantes lors de ces permanences téléphoniques n’avaient pas de formation pour ce faire, et nombre de Communes ont réalisé, en urgence, des canevas, des listes de conseils, des questionnaires, des directives, des formations, des espaces de soutien, etc., pour aider les bénévoles et volontaires à réaliser ce travail.

Certains de ces appelants improvisés ont d’ailleurs fait retour de la difficulté du travail: il s’agit d’entrer en contact avec des personnes que l’on ne connaît pas et qui connaissent parfois des situations très difficiles; apprendre à rassurer tout en prenant de la distance par rapport à sa propre situation n’a pas été évident.

Organisations

Des guides donc sont fournis au personnel appelant. Ces listes de questions et de conseils prennent diverses formes, plus ou moins organisées. N’oublions pas que nous parlons ici d’actions en situation de crise, non préparées à l’avance, et donc toujours un peu expérimentales.

  • Listes de questions (sur la situation actuelle, sur les besoins éprouvés, renouvellement ou non du contact téléphonique).
  • Listes d’informations à transmettre (info sur les numéros utiles, contact des services existants).
  • Formations et documents de procédures et de conseils aux appelants improvisés.
  • Fiche d’identification pour chaque demande, afin de rappeler les personnes pour lesquelles on ne pouvait directement répondre et pouvoir les orienter au mieux, par exemple en transférant la demande vers le CPAS ou un autre acteur de terrain compétant.

L’organisation, elle-même, a parfois subi des modifications pour s’adapter à l’expérience: par exemple, une Commune qui réalisait des appels quotidiens lors du premier confinement a remis en place le service d’appel au deuxième confinement, en en modifiant la fréquence, en fonction des demandes des citoyens.

Afin de communiquer l’instauration du service d’appel, les informations ont été transmises aux citoyens via divers moyens: sites internet des Communes, pages Facebook, courriers ‘toutes-boîtes’ ou courriers ciblés aux seniors, gazette locale, personnes de confiance et de proximité, mobilisation du bouche à oreille par les familles ou le voisinage…

La crise a donné l’occasion à certaines Communes de développer un projet, qui s’est parfois pérennisé, comme la création d’un numéro vert (0800) ; ou dans cette autre Commune, où le projet d’écoute téléphonique s’est consolidé sous forme du projet « Senior Contact », ligne d’écoute et d’entraide (écoute, conseils et aide administrative).

Conclusions

De nombreuses Communes ont constaté, notamment par le biais des appels téléphoniques, qu’une solidarité s’était développée ou renforcée dans diverses localités, qu’elle soit de voisinage ou familiale. Les discussions en direct avec les citoyens ont permis d’avoir un retour concret de leur vécu.

La campagne d’information visant les appels individualisés des citoyens aura donc amené certaines Communes à approfondir leur connaissance des besoins de leur territoire, facilitant une meilleure planification des actions à mener: soutien au deuil, aide sociale et administrative, …

Lors du recueil d’expériences, le constat global est que la population a pu être efficacement contactée par téléphone.

En résumé, deux types de stratégies ont notamment été mises en places:

  • confectionner une liste d’appel et téléphoner de façon ciblée aux personnes que l’on pense susceptibles de bénéficier de ce contact et des informations à transmettre (les seniors de 60 ans ou plus, en fonction des Communes);
  • ou envoyer les informations par d’autres voies, plus larges et moins ciblées, pour signaler que l’on est joignable.


La difficulté de la prise de contact avec les seniors dépasse le seul contexte de crise. Cette question a été d’autant plus urgente au moment des confinements. Il nous semble qu’il y a un là un enseignement à tirer des pratiques expérimentales lancées dans l’urgence, à savoir: établir des procédures, validées et garantes des droits, à activer en cas de besoin.

Par exemple, confectionner à l’avance, en vue des situations de crise, un listing de personnes à contacter afin de réaliser les premières prises de contact auprès des citoyens et d’expliquer la démarche; le but étant d’anticiper, de recueillir leur consentement pour un certain nombre de situations dans lesquelles les personnes, aînés et/ou familiers, autorisent la Commune à prendre contact avec eux.
Autre exemple: gardés identifiés les métiers de confiance et de proximité qui peuvent avoir un regard général sur la situation des personnes les plus isolées – sans en dévoiler l’identité – afin que les Communes puissent les mobiliser en cas de besoin en tant que médiateurs pour diffuser des informations.

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